Les juifs dans la résistance intérieure

...[La défaite entraîne dans les deux zones l’adoption d’une série de lois antisémites – initiées tantôt par le gouvernement de Vichy, tantôt par l’occupant – qui marginalisent tous les Juifs socialement et économiquement, tandis que de nombreux Juifs étrangers sont internés dans les camps. Puis, dans le cadre de l’application en France de la « solution finale », les Juifs sont raflés en masse, acheminés vers Drancy, avant d’être déportés en Pologne vers les camps de la mort.. Près de 80 000 Juifs de France trouveront ainsi la mort.]
…[L’engagement des Juifs dans la Résistance reflète la diversité de leur vécu identitaire. Les Juifs français sont très tôt nombreux dans les mouvements qui se créent. Leur démarche est individuelle, ils ne revendiquent aucune spécificité, ni dans les objectifs ni dans les formes d’action, et c’est individuellement qu’ils sont pleinement intégrés au point d’occuper sou vent un rôle de direction].

…[Mais les organisations communistes intégrées dans la Main d’œuvre immigrée (MOI) et dont l’activité est d’emblée clandestine, puisque leurs organisations ont été interdites, sont organiquement liées au parti communiste : leurs mots d’ordre diffusés dans les journaux clandestins en yiddish et en français sont calqués sur ceux du parti. Elles mènent donc une action de résistance qui - pour l’essentiel – est d’ordre politique, puis militaire. En revanche, l’idéologie diffusée par les organisations sionistes les entraîne à centrer leurs efforts sur la survie de la communauté : survie spirituelle et culturelle en multipliant les cercles d’études pour renforcer les liens identitaires ; survie physique en usant, selon les circonstances, des brèches consenties par la loi ou de moyens illégaux. C’est le cas du Mouvement de la jeunesse sioniste (MJS), organisation unitaire créée en mai 1942 qui regroupe toutes les tendances de la mouvance sioniste, mais également des organisations d’adultes. Une organisation originale, l’Armée juive (AJ) est secrètement créée à Toulouse par des dissidents sionistes qui s’efforcent d’inspirer l’action des organisations juives existantes et de soumettre l’aide sociale et le sauvetage aux impératifs de l’idéologie sioniste.

Les organisations sociales juives au nord comme au sud, tout en intensifiant leur action philanthropique, centrent leurs efforts sur les internés dans les camps et œuvrent à faire libérer les enfants (ainsi l’Œuvre de secours aux enfants). Elles basculent graduellement vers des formes d’actions illégales : pour certaines avec la création par le gouvernement de Vichy de l’Union générale des Israélites de France (l’UGIF) supposée remplacer, sous le contrôle de l’Etat français, toutes les organisations juives préexistantes, et pour d’autres après les rafles de l’été 1942 ou l’occupation de la zone sud. Elles s’engagent alors dans une résistance de sauvetage, menée d’abord parallèlement à leur activité légale, puis après l’automne 1943 dans la clandestinité complète. ]

… [La recherche de l’efficacité et les impératifs politiques (la nécessité de présenter un front juif uni après la Libération) génèrent une dynamique de coordination, puis d’unification entre les différentes organisations. En mai 1943, MJS et EIF intègrent les équipes de direction des deux organisations. A l’automne 1943, procédant à la dispersion des derniers centres de jeunes, Robert Gamzon, le directeur des EIF, les incite à partir pour la Palestine, prendre une part active dans le sauvetage organisé ou gagner le maquis. Un maquis EIF est créé à cet effet. Le 1er juin 1944, un accord inter vient entre les EIF et l’AJ, en vertu duquel l’autorité militaire est confiée à l’AJ devenue OJC, Organisation juive de combat.

A l’été 1943, l’ensemble des organisations juives engagées dans une action de résistance se regroupent au sein d’un Comité général de défense (CGD) pour coordonner l’action politique et militaire jusqu’à la Libération et œuvrer à la création d’une représentation unique de la judaïcité de France. Le CRIF, Conseil Représentatif des Israélites de France, émanation politique de la Résistance des Juifs, se constitue en janvier 1944 et une charte est adoptée à l’été. ]

…[On ne saurait réduire la Résistance juive à l’action militaire et politique menée par les groupes communistes juifs liés à la MOI ou à la résistance de sauvetage privilégiée par les organisations à vocation sociale ou les sionistes. ]
..[La Résistance juive s’entend ainsi comme la Résistance des Juifs, reflet d’une communauté hétérogène confrontée à une situation mêlant le spécifique et le général. ]


Dans Dictionnaire Historique de la Résistance
Robert Laffont
Paris,
pp. 897-898
 
nom:gamzon
prénom:robert
date:1905-*
Groupe Résistant:ARJF
 
Robert Gamzon est né le 30 juin 1905.
Ingénieur ESE, il est le père de Daniel et Lilette Gamzon. A la veille de la guerre, Robert Gamzon, fondateur des Eclaireurs israélites de France, en est le commissaire national. Il les dirige pendant toute l'Occupation. Officier du génie, il particpe en 1940 à la destruction du central téléphonique de Reims pour qu'il ne tombe pas aux mains des Allemands ; il est alors décoré de la Croix de Guerre. Après la défaite, il arrive à Clermont-Ferrand et rejoint le centre de Moissac que les Eclaireurs Israélites de France viennent de constituer pour abriter les enfants après l'Exode. Pour les jeunes, il crée des écoles rurales à Lautrec, près de Toulouse, puis à Charry, près de Moissac, et à Taluyers, aux environs de Lyon. Dès le début de l'internement des Juifs à Gurs, il y envoie des jeunes cheftaines comme assistantes sociales. Elles apportent aide et réconfort aux internés et facilitent les évasions. Inquiet pour l'avenir des Juifs, Robert Gamzon se rend régulièrement à Vichy, où il essaie d'obtenir des aides diverses. Il est prévenu des rafles imminentes dans les maisons des EIF et peut planquer les jeunes, surtout étrangers, qui sont concernés par les arrestations. La situation devenant de plus en plus dangereuse, il participe à la création de la branche clandestine des EIF, la Sixième. Celle-ci a permis le sauvetage de milliers de jeunes grâce au service social et au service des faux papiers. Le service social aide les juifs en détresse physique, morale ou pécuniaire, et le service de faux papiers permet aux Juifs en danger de changer d'identité et ainsi de sauver leur vie. Fin 1943, sous le pseudonyme de capitaine Lagnes, il organise la Résistance militaire des EIF et participe à l'Organisation juive de combat.

En mai 1944, il donne aux jeunes de plus de 18 ans le choix : participer au travail clandestin en ville, monter au maquis, ou partir en Espagne pour rejoindre la Palestine. Robert Gamzon prend la direction de la section armée du maquis EIF de Vabre et le nomme "compagnie Marc Haguenau" (ancien éclaireur tué par la Gestapo en janvier 1944). Le maquis reçoit de nombreux parachutages et est attaqué par la Wehrmacht, dans la nuit du 7 août 1944 ; il y a 7 morts : 3 Juifs, dont Gilbert Bloch, et 4 non Juifs. Les maquisards se dispersent et se réunissent à nouveau le 18 août. La nuit suivante, ce maquis, en coordination avec un autre groupe de la région, attaque entre Mazamet et Castres un train allemand chargé de 4 canons et de munitions. Au matin du 19 août, le capitaine allemand responsable du convoi se rend aux maquisards. Ces derniers font 60 prisonniers allemands, ce qui permet de libérer les villes de Castres et de Mazamet. Robert Gamzon est cité par le colonel Dunoyer de Segonzac pour ce haut fait. Il est nommé capitaine des Forces françaises de l'intérieur dès la Libération, mais une très grave blessure en service commandé l'empêche de partir à la tête de la compagnie Marc-Haguenau qui affrontera de durs combats en Alsace.
Survivant.